Attention… Petite mise en garde. Ceci est le premier de mes posts beaucoup plus personnel sur ce qui m’est arrivé l’année dernière avec mon Cancer… Oui, effectivement, si vous vous attendez à lire ici quelques annonces sur les Produits de It4.Me/MuBrain ou Microsoft, alors vous serez déçus. Non, cette fois on parle de choses plus sérieuses. Enfin plus sérieuses pour moi
Il y a les dates dont on se souvient. Celles, dramatiques mais sans nous concerner directement, comme le 11 septembre ou je me rappelle encore me trouver rive droite, à la sortie du pont de pierre à Bordeaux au moment où j’apprenais à la radio que la première tour du World Trade Center s’effondrait. Et puis il y a celles, plus heureuses, du 22 juillet 1971, 14 décembre 2000 et 14 aouts 2002 les dates de naissance de ma femme et de mes deux enfants ainsi que celles du 2 et 3 juillet 1999, dates de mon mariage. Enfin il y a celles qu’on ne pourra plus jamais oublier comme le 1 mai 2017, jour de l’annonce de mon diagnostique du cancer de la vessie. Ou encore comme le 15 septembre 2017, jour de la chirurgie qui me sauvera la vie tout en m’en volant une partie essentielle… Ma masculinité.
J’ai eu et j’ai encore honte aujourd’hui d’en parler. Mais c’est un poids terrible que ne souhaite plus cacher ne serait-ce que pour ceux qui auront à le vivre peut-être. Je ne souhaite plus me laisser dominer par des sentiments tels que la peur ou la honte. Cette chirurgie du 15 septembre a tout changé pour moi en plus de me sauver la vie…
Pour commencer, lorsque le 1 mai dernier j’ai pris une série d’uppercut et de crochets qui m’a mis à terre pendant de longs jours à me demander Pourquoi? Dans mes recherches sur Internet sur ce fameux Cancer de la Vessie, je n’ai rien trouvé si ce n’est des articles scientifiques et techniques. Internet qui est si bruyant habituellement se trouvait étrangement muet de toutes expériences réelles. Les blogs écris par des patients ou ex patients étaient alors encore très rares ce qui est extrêmement angoissant au moment de devoir faire des choix. C’est la raison de ce premier billet de blog. Me libérer de ce poids tout en espérant répondre à certaines questions que d’autres pourraient être amenés à devoir se poser un jour.
Premièrement, statistiquement les hommes sont plus concernés par ce type Cancer. Certaines femmes peuvent aussi en être atteinte mais c’est plus rare que pour les hommes. L’égalité n’existe pas. Mais les femmes ont aussi leurs fardeaux et elles ont-elles aussi besoin de soutient, d’écoute, d’empathie… Bref d’amour.
Deuxièmement, les symptômes… Une gêne comme une lourdeur dans le bas ventre… Et quelques temps après, l’apparition de traces de sang dans les urines. Bon là on rentre dans les trucs moins glamour… Je vous aurais prévenu. Je sais, au début, on croit à une infection ou à une IST(MST) mais non… Ici les antibiotiques ne résolvent rien.
Troisièmement, les cancers sont tous différents… Donc évitez, s’il vous plait, de les comparer entre eux. Rien de pire dans notre cas. Chaque cancer est un cas unique car le siège de la tumeur, son stade d’évolution ainsi que son niveau d’agressivité et la condition physique et mentale du patient sont toujours différents. Mais c’est à ce stade que nous pouvons tous aider. C’est un lieu commun mais c’est la réalité : améliorer la condition mentale d’une personne atteinte, améliore immanquablement sa condition physique et elle en aura besoin pour se battre contre ce cancer. http://www.cancer.ca/fr-ca/cancer-information/cancer-type/bladder/prognosis-and-survival/ Et aider ne coute pas cher. Juste du temps, de l’écoute et un peu d’empathie. Quand on en est à la 3ieme chimio et qu’on a déjà vue la moitié de ses cheveux partir par poignées dans la douche le matin, croyez-moi, on a besoin d’amour…
Quatrièmement, Les médecins sont des gens EXTRAORDINAIRES. Celui qui m’a envoyé les uppercuts et les crochets du 1ier mai m’a terriblement blessé, mais m’a aussi dit quelque chose dont je n’ai pris conscience que quelques jours plus tard. Il m’a dit : « On a un plan pour toi! ». Croyez-moi, le Dr Fred Saad, je l’adore. Même si il a une bonne droite. Cette simple phrase fait toute la différence une fois qu’on est capable de l’entendre. « On…! ». « Nous…! ». Les chirurgiens, les oncologues, les infirmières, les psychologues, les sexologues, …. « …avons un plan pour toi! ». Croyez-moi, c’est brut… Mais quant à 46 ans, un type en blouse blanche, dans son bureau vous apprend qu’il va falloir retirer la vessie, la prostate et les glandes séminales et que pour être totalement sûr qu’il n’y ait pas de métastases, une petite Chimiothérapie s’impose… Sur le coup vous ne réalisez pas… Ca fait beaucoup en 30 minutes chrono…
Puis quelques jours plus tard… Vous réalisez que vous ne trouverez aucune réponse à ce « Pourquoi? ». Ces réponses n’existent pas même si on finit toujours par trouver des coupables. Les sources des Cancers sont multifactorielles mais on peut réduire le nombre des facteurs si on fait attention. Ceci dit, il n’y a pas toujours de raison à tout! Malgré votre esprit cartésien. Les Cancers de la vessie se développent chez des fumeurs et les personnes en contact avec des produits toxiques. Bref, tout moi ça! Alors finalement, vous sortez de votre canapé ou vous étiez resté recroquevillé sans avoir pu fermer l’œil et vous repensez « Au Plan ». Une chance, à 46 ans, quand on est en bonne forme physique… Les médecins veulent faire leur 100%. Leur 100% de chance de réussite. On tient tous des stats n’est-ce pas. Mois je serais un 100%
Donc vous avez ce fameux « Plan ». Celui ou vous devez faire des choix :
- Une poche? Ou une vessie de remplacement?
- Mais qu’est-ce que j’en sais moi??!! Me balader sur la plage ou à la piscine avec une poche à Urine à la ceinture ?! Euh… Comment dire…
Ok, c’est quoi l’autre option? - Remplacer votre vessie par une nouvelle reconstituée à partir d’un segment de votre intestin et dans ce cas c’est invisible!
- Ah?! Mais ça marche ça?
- Ça marche dans la plupart des cas mais cela occasionnera une incontinence complète ou partielle qui peut prendre plusieurs années à se corriger… Vous seul verrez le mucus qui continuera à être produit par les cellules de l’intestin et qui sera expulsé chaque fois que vous urinerez. Cela peut provoquer des bouchons et il faudra peut-être vous servir de cathéters pour uriner.
- Euh ?! Incontinence ?! Vous voulez dire qu’a 46 ans je vais devoir porter des couches?
- Bin… Pendant un petit moment probablement mais ça ne devrait pas durer……….
- ………. Ok… Mais sur le plan intime? Vous voyez quoi… sur le plan, Euh… Sexuel… Ce n’est pas top les couches quand même…
- Oh mais pour être honnête, cette petite chirurgie de 7h à aussi beaucoup de chance de vous priver de vos érections dites « Spontanées »……….
- ……… Euh, stop… « Spontanées »??
- Bin, nous avons de très bons traitements contre ce type de défaillances sexuelles mais elles ne seront plus spontanées…..
- Allo?! Docteur?! C’est que j’ai 46 ans moi…
- Bin oui. Je vois bien…. Mais vous préférez mourir?
Bon ce passage peut en faire sourire plus d’un sur la forme et peut-être juste parce qu’on parle d’érection. Mais je choisi de dire la vérité et de l’assumer.
- Ah! Aussi, avant la chirurgie, vous n’y êtes pas obligé, mais nous vous recommandons de suivre une « petite » chimiothérapie…
Ca… C’est l’apéritif… et j’y reviendrais dans un prochain post. Mais en substance, tout ce qu’on entend est vrai. Oui on perd ses cheveux à la 2ieme chimio, oui ca vous met a terre a chaque traitement, et oui j’ai pleuré comme un bébé lorsqu’il a fallu me rendre à la 4ieme et dernière séance… Mais j’y reviendrai dans un prochain billet.
Puis arrive le 15 septembre 2017 au matin… Tu te lèves à 5h30 le temps de vous rendre pour 7h au bloc (Par chance, l’hôpital se trouve à 15minutes à pied de la maison). Pour une fois tu n’as aucun scrupule à ne rien manger le matin… Puisque tu ne dois RIEN manger depuis minuit la veille. Malgré l’heure très matinale (Pour ceux qui me connaissent). Même si tu mets 3 réveils pour être sûr de ne pas manquer le rendez-vous, tu te lèves super facilement vue que tu n’as pas fermé l’œil de la nuit. Ce ne sont pas les derniers verres et les dernières huitres avalées rapidement, last minute, la veille au Rouge-Gorge, qui t’ont empêchées de dormir, mais bien l’idée de signer une décharge dans quelques minutes qui admet que tu ne sortiras peut-être pas de ce bloc opératoire… Et que dans le meilleur des cas, tu en ressortiras après 7h de chirurgie, à jamais transformé pour le reste de ta vie… Incontinent, impuissant, urinant peut-être avec une paille et sans plus aucunes éjaculations jusqu’à votre mort. Bref, tu passes une très belle nuit…
Le personnel hospitalier est cette fois encore, fantastique. Tu dis au revoir… ou adieu à votre femme et tu te prépares dans un silence particulièrement lourd. En même temps, pas vraiment le moment d’entendre la Compagnie Créole non plus. On te fait allonger sur une civière et on te demande de rester allongé jusqu’au bloc. On est d’accord? Une fois allongé, la seule chose que tu vois, ce sont les plaques du plafond avec les lumières que tu te surprends à compter pour t’occuper. Puis le chariot s’arrête devant le bloc numéro 9… Deux personnes s’approchent alors de toi. La première pour t’expliquer le mode opératoire et que pour toi la prochaine étape sera la salle de réveil dans un peu plus de 7h, si tout va bien. Puis la deuxième, comme pour vous lire vos droits dans le cas d’une arrestation, pour t’avertir que cette opération comporte des risques et que tu ne te réveilleras peut-être jamais et qu’il faut signer en bas de la page…
Là. Ma tête s’est mise à tourner. C’est con mais je voulais ma mère. Je me suis mis à pleurer comme un enfant sans pouvoir me retenir. J’aurais voulu sentir la main de ma femme à se moment. Mais j’étais seul. Seul avec cette pensée et cette responsabilité. Puis une fois un semblant de gribouillis posé sur le papier, juste à côté de la tache faite par une de tes larmes, tout s’enchaine. On te fait allonger dans le bloc opératoire… Sur une table, qui ressemble à celles que vous voyez dans les films pour la peine capitale dans les prisons américaines… Sympa… Deux infirmières vous prennent en tenaille comme deux vélociraptors et le temps que vous répondiez à l’une, l’autre vous a déjà placé une aiguille dans le bras et vous perdez doucement connaissance…
Ces 8h m’ont semblées bien courtes finalement… Je ne me souviens pas avoir rêvé de quoi que ce soit. Et, j’en ai un peu honte, je n’ai aucun souvenir de la salle de réveil. Ou je crois, ma femme m’attendait et ou le Dr Saad est venu m’annoncer que l’opération c’était déroulée selon « le plan ».
Je ne me souviens que de mon réveil dans la chambre quelques heures plus tard dans la nuit et de cette première vision de mon abdomen d’où sortait un tas de tuyaux. 4 en fait… Cette vision et cette pensée que je ne serais plus jamais « un Homme » au sens masculin du terme m’a fait instantanément pleurer. Je le sais maintenant, je n’espérai pas me réveiller. Le suicide? Oui j’y ai très sérieusement pensé pendant les plusieurs jours qui ont suivi. Un feeling provoqué en parti par la morphine que je pouvais m’injecter librement pour soulager la douleur les 2 premiers jours, mais aussi par les comprimés de morphine que je consommais régulièrement les jours suivant. Oui… Une bonne grosse dépression. Et ce « Pourquoi? » qui revenait hanter mes pensées jour et nuit.
Je vous avais prévenu, le 15 septembre pour moi est une date particulière. Celle qui a changée définitivement ma vie d’homme. Je ne parle pas des bouleversements comme un mariage, des enfants ou un divorce… Mais bien le passage d’un état, même malade, vers un autre état ou vous savez que vous perdrez GROS.
Voila. J’ai décidé d’en parler. De l’écrire. De le partager. Car en 2017, rien qu’au Canada, 8 900 personnes ont reçu un diagnostic de cancer de la vessie dont 6 700 hommes et 2 400 personnes en sont malheureusement mortes (http://www.cancer.ca/fr-ca/cancer-information/cancer-type/bladder/statistics). Et finalement le pire pour moi, c’est la honte de la perte de ma masculinité et la peur de simplement en parler.
J’espère que ma parole en libérera ne serait-ce qu’une seule autre… Pour continuer à passer le message.
With love…. N.