Depuis l’invention de l’imprimerie, les sociétés humaines ont toujours cherché à mieux stocker, protéger et transmettre l’information. Mais pour la première fois dans l’histoire, nous disposons de technologies capables de transformer l’information elle-même en bien patrimonial : identifiable, traçable, échangeable et valorisable sur des marchés.
La blockchain et les NFT (non-fungible tokens) ouvrent une ère nouvelle : celle où l’information ne sera plus seulement un support d’échange ou une ressource implicite, mais un actif reconnu et coté au même titre qu’une action, une obligation ou une devise.
Comme le résumait très justement Klaus Schwab, fondateur du Forum économique mondial :
« Dans la quatrième révolution industrielle, ce n’est pas le capital financier qui comptera le plus, mais la qualité et l’intégrité du capital informationnel. »
De la monnaie à l’information : un changement de paradigme
La blockchain est née avec le Bitcoin et l’idée d’une monnaie numérique décentralisée. Mais réduire la blockchain à la finance serait comme réduire Internet au courrier électronique. La puissance réelle de cette technologie est ailleurs :
- Dans sa capacité à certifier la propriété d’un actif immatériel,
- À horodater chaque transaction de manière infalsifiable,
- Et à offrir un registre distribué qui supprime le besoin d’un tiers de confiance centralisé.
Les NFT prolongent cette logique en offrant un mécanisme pour rendre unique et traçable un bien numérique — qu’il s’agisse d’une image, d’un document, d’un modèle d’IA, ou demain, d’une mémoire organisationnelle.
Les biens informationnels : une nouvelle classe d’actifs
Si la monnaie est un bien fongible (un dollar vaut un autre dollar), l’information, elle, est par nature non-fongible. Deux documents qui se ressemblent ne sont pas identiques : leur contexte, leur auteur, leur date, leur usage leur confèrent une valeur unique.
Grâce à la blockchain et aux NFT, l’information peut désormais être :
- Identifiée : chaque document, donnée, corpus peut être inscrit dans un registre numérique comme bien distinct.
- Certifiée : la provenance, l’intégrité et la chaîne de transformation d’une information sont garanties.
- Échangée : les droits d’usage, de consultation ou d’entraînement d’un modèle d’IA peuvent être vendus, loués ou cédés.
- Valorisée : les organisations capables de démontrer la richesse et la fiabilité de leur patrimoine informationnel pourront le faire reconnaître comme un actif économique.
Peter Drucker avait anticipé cette mutation dès le XXe siècle :
« L’information est le véritable capital de l’entreprise moderne. »
L’Entreprise Brain : quand la mémoire devient valeur
Il y a quinze ans, l’idée d’Entreprise Brain ,que je cherchais à développer, visait déjà à faire reconnaître la mémoire organisationnelle comme un facteur central de compétitivité. Une entreprise ne devait pas seulement être jugée sur ses flux financiers, mais aussi sur sa capacité à capitaliser et exploiter son savoir.
Avec la blockchain et les NFT, ce rêve devient possible :
- Une organisation peut déposer son savoir comme actif sur une blockchain.
- Ses processus, documents, données client, brevets internes deviennent des NFT informationnels, assurant leur unicité et leur traçabilité.
- Son IA générative peut prouver qu’elle est nourrie d’une mémoire validée, réduisant les risques d’hallucinations ou de biais.
Dans un tel modèle, les investisseurs évalueront une entreprise non seulement sur ses ventes futures, mais sur la qualité cryptographiquement prouvée de sa mémoire organisationnelle.
Bill Gates a lui-même insisté sur ce lien :
« L’IA ne pourra jamais remplacer l’importance de la donnée fiable. La valeur est dans la donnée, pas dans l’algorithme. »
Des marchés financiers aux marchés cognitifs
Nous pouvons imaginer d’ici une ou deux décennies une bourse de la mémoire, parallèle au Nasdaq ou au NYSE, où les entreprises seraient cotées sur :
- Leur carnet de commandes,
- Mais aussi leur capacité à démontrer la fiabilité de leurs données internes,
- Leur niveau de gouvernance informationnelle,
- Et la performance de leurs IA génératives reposant sur ces données certifiées.
À ce moment-là, la blockchain ne sera plus perçue comme un gadget financier, mais comme l’infrastructure invisible permettant de faire émerger ces marchés cognitifs.
Vers une économie des droits informationnels
Les NFT appliqués aux biens informationnels ouvriront aussi la voie à une économie des licences dynamiques. Plutôt que vendre définitivement une donnée ou un document, une entreprise pourra :
- Accorder des droits d’usage limités (temps, périmètre, contexte),
- Louer temporairement son corpus pour l’entraînement d’un modèle,
- Recevoir automatiquement des royalties chaque fois qu’une information est utilisée par un tiers.
C’est la logique des smart contracts, déjà au cœur de la blockchain, appliquée aux biens informationnels.
Marc Andreessen l’avait formulé ainsi :
« Les logiciels dévorent le monde. La blockchain va redonner aux créateurs et aux détenteurs d’actifs numériques la capacité d’être rémunérés équitablement. »
IA générative et mémoire certifiée : le duo gagnant
Dans ce futur, l’IA générative joue un rôle clé. Car elle sera l’outil qui transforme la mémoire en intelligence active. Mais elle ne pourra le faire de manière fiable que si ses corpus sont :
- Certifiés (blockchain),
- Valorisés (NFT),
- Activés (IA générative).
Les entreprises qui réussiront ce triptyque seront celles qui auront créé un véritable avantage informationnel durable, impossible à copier car enraciné dans la singularité de leur mémoire.
L’émergence d’un marché de la confiance
Blockchain et NFT déplacent le centre de gravité de l’économie numérique. On passe d’un monde où l’information était abondante mais fragile, à un monde où l’information devient rare, traçable et valorisable.
Dans ce monde, l’Entreprise Brain n’est plus une utopie : elle devient une stratégie de survie et de croissance. Les organisations capables de prouver la qualité de leur mémoire, d’en faire un actif côté et exploité par leurs IA, seront les championnes du futur marché cognitif et des futures places de marchés.